Bernard LONJON
Nuit et chansons

Bernard Lonjon est un ami de "Auprès de son arbre" et, afin de ne pas être accusés de "copinage", nous laissons le soin à deux journalistes professionnels, Bernard Morlino et Valérie Lehoux, de vous présenter cet ouvrage où Georges Brassens est très souvent cité.

"Grand connaisseur de la chanson française et libraire d'anciens ouvrages en Languedoc, Bernard Lonjon a eu la bonne idée de retrouver le parcours de tous les artistes de variété française durant la Seconde guerre mondiale. Autant il y a beaucoup de livres sur les écrivains en 1939-1945 autant il n'y presque rien sur le monde du spectacle de l'époque. On sait que le music-hall d'alors avait beaucoup de succès. Les gens ne restaient pas claquemurés dans les caves sauf pendant les alertes. Les chanteurs ont chanté sous le nazisme comme les boulangers firent du pain. Maurice Chevalier, Charles Trenet, Piaf, Fréhel et Léo Marjane n'ont pas chômé.
Il y a des mythes qui s'écornent. D'autres sont à la hauteur de leur talent : Jean Gabin qui est issu du music hall libéra Paris et Joséphine Baker fut résistante. Le jeune Serge Gainsbourg était fier de porter l'étoile jaune : il jouait au shérif ! Marlène Dietrich s'opposa à son pays natal et reçut la Légion d'Honneur à titre militaire. Mireille, la dame du Petit Conservatoire de la Chanson, a sauvé un maquis grâce à son intervention auprès de René Bousquet. Le collaborateur reçut la compositrice qui risqua sa vie pour rencontrer le dignitaire vichyste. Juive, Mireille était recherchée par la Gestapo et la Milice : elle n'avait pas le droit de chanter et donc de travailler...
Bernard Lonjon nous apprend que les parents de Claude Nougaro et d'Hugues Aufray ont caché des Juifs sous l'occupation. Ce livre fait déjà autorité. On se référe à lui pour savoir qui a fait quoi. Ce n'est pas le livre d'un policier qui aurait tout noté. C'est un livre qui ne dénonce pas, ni qui cherche des héros. Bernard Lonjon est un historien qui connait la chanson."
Bernard Morlino (sur son blog)
"Cherchez l'erreur : on ne compte plus les livres sur l'Occupation, ni les chansons qui y font allusion, mais dès qu'il s'agit de trouver un ouvrage sérieux sur l'activité de nos chanteurs pendant la guerre... accrochez-vous ! Celui-ci comble en partie la lacune, car le sujet est beaucoup trop vaste pour tenir en deux cent cinquante pages. C'est sa limite et sa force : il y a tant d'anecdotes dans ce foisonnement qu'on se retrouve vite submergé par une histoire passionnante - et plus complexe qu'on ne le dit. Où l'on apprend par exemple que Joséphine Baker faillit être empoisonnée par Goebbels ; que Gainsbourg et sa famille échappèrent de peu à l'horreur d'Oradour-sur-Glane ; que Charles Trenet ne se contenta pas de chanter (avec d'autres) devant les uniformes de la Wehrmacht, mais qu'il dut prouver sa non-judéité, qu'il reçut une balle d'un agent de la Gestapo...

On aimerait creuser chacune de ces histoires. Pas le temps : Bernard Lonjon ouvre sans cesse de nouveaux récits... Si on voulait bien faire, on le lirait en écoutant une pile de 78-tours. Car, dans cette période troublée, les chansons devinrent parfois outils de propagande, mais un vieux succès de Rina Ketty, "J'attendrai" (repris par Dalida), se transforma au contraire en hymne d'espérance au second degré. La prochaine fois qu'on tombera sur cette antiquité, on l'écoutera avec respect..."
Valérie Lehoux (Télérama n° 3197 - 23 avril 2011)

262 pages

Prix: 17,95 euros
Editions du Moment (mars 2011)

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