MERCI D’AVOIR ETE.
Comme une flaque éparpillant son pagne d’or
Un soleil automnal sur les toits du faubourg
Etoile la journée de son compte à rebours,
Esquissant des reflets aux vagues du vieux port.
Triomphante, Elvira d’un puerpéral effort
Offrit un premier cri au fruit de son amour.
François de Montcorbier en cette heure mâtine
Perçut en ces babils un ralliement aux causes
Echafaudées jadis, sur mille rîmes écloses
Au suintement glacé des geôles assassines
Sur fond de gibets noirs à cordes guillotines
Eclatant trait d’honneur à la métempsychose.
Au temps noir de l’Anschluss et de l’autodafé
Le destin s’immisça au sillon altérant
Tracé en un diamant, comme à contre courant.
Le contact magistral d’Alphonse Bonnafé
Aux heures déclinées d’espoir et d’imparfait
Instilla goutte à goutte un cœur adolescent.
L’Europe endolorie léchait ses vieilles plaies
Quand la croix d’infamie déferla sur la France,
Epris de liberté l’homme souffre en silence,
Réfractaire aux geôliers les vers de ses couplets
Souffrent des barbelés écorchant les pamphlets,
Les refrains débridés rêvant d’île de France.
Arrimant l’écritoire à la rampe des mots
Il ricocha sa vie aux rives d’encre de Lutèce
Sur les embruns diffus d’un credo de jeunesse
Au brasier Rimbaldien, au rut du Béhémoth
Il porta ses écrits sur les fonts baptismaux
Au simple dénuement d’un décor uni pièce.
Le cours de son destin s’écoulait en amont
Deux amis ont ouvert, venelle Florimont
Aux méandres épineux des amours de jeunesse
En un havre où la paix se lie à la tendresse.
Au cœur du vieux Paris, sur parfum goémon,
Leur cour où s’entassait leur unique richesse
Chantre, ta liberté ivre du bruit des bottes
Propage dans Paname un écho salutaire
Couvrant le cri des gueux condamnés à se taire.
Cet homme au port altier a gardé tête haute
Harangué l’idiotie, les pensées holocaustes
Où naissent des idées sitôt portées en terre.
Le temps passait diffus, et le soleil blafard
Ne trouait l’horizon que par intermittence
Dans l’accord mesuré au détour d’une stance,
Calliope dissipait les ombres du cafard
Au son exacerbé d’un manche de guitare
Entrelaçant des rîmes aux confins de l’absence.
Au nom d’une amitié pour Huon de la Saône
Sur l’émotion soufflée aux braises d’après-guerre
Deux jeunes épistoliers dans un monde en jachère
Ont caressé des mots qui troublent et chansonnent
De vains ressentiments où la pensée frissonne.
L’éloignement isole un cœur trop solitaire.
Dans la chambre imprégnée d’une odeur de bouffarde
Les murs forment un chœur au rythme des guitares,
Il s’improvise un bœuf et quand il se fait tard
L’amour mêle à l’humour un zeste de camarde
Afin d’accompagner d’une chanson paillarde
Ballades et villanelles d’un passable nectar.
Sous le tison bleuté des premières écoutes
Pour la bande aux copains de la tour des miracles
Flottait un drapeau noir en regard du spectacle
Un vent de liberté se lève, emplit la voûte
D’un arôme épicé fleurant en bord de route
Les essences inconnues d’un ersatz de pinacle.
Egaré sur la scène, au gré des cabarets
Le regard anobli d’une humble certitude
Poussé par les amis, sevré de solitude
I l espère une ivraie libérant les guérets
Un édit de justice, sans mort au couperet
Abjurant tout déni pour la mansuétude.
Issue des compassions du siècle précédent
La prière empruntée aux vers de Francis Jammes,
Incline puissamment aux soirs de vague à l’âme
A l’élan précurseur de cet hymne au chiendent
Embrasant les esprits de ce buisson-ardent
Puisant à sa margelle, un rire, une larme
Le talent méconnu d’un orfèvre des mots
Bouscule densément les tablées impassibles
D’un public étonné, pisse froid, irascible.
Proférant à loisir d’ineffables bons mots
Il partait chaque soir vers son fort Alamo
Dans un jeu d’émotion dont il était la cible.
Le temps est advenu des hourras ! des bravos !
Guitare en bandoulière, moustaches en bannière
Le grognard, sur le champ, déserta sa tanière.
Montmartre offrait la fée propice au renouveau
Aux nouvelles cuvées versant le vin nouveau
De ce noble ursidé, en mal de vivre, de lumière.
Théâtre trois baudets entre Pigalle et Blanche
Ce gaillard monolithe éclate quelqu’obus
Fourbis les nuits de veille au sein de sa tribu.
D’aucuns ont savonné soigneusement la planche
Que naguère il brûla, sans désir de revanche.
Les railleurs ont, depuis, acquitté leur tribut.
Sur la France, sans heurt, retentit la voix roc
D’un chêne courroucé par l’acier froid des grilles
Ouvrant les deux battants de la cage au gorille.
J’ai sans tremplin plongé dans l’onde électrochoc
D’un cœur de ménestrel qui battait la breloqu’
Sous l’ébène drapeau d’un preneur de bastille.
Au fil du fleuve Amour, ou de ses désamours
Il croisait dans les eaux de Paul Fort, de Verlaine
La fraîche nudité à l’onde bleue de La Fontaine
Et dans l’odeur des prés, les rondeurs, les atours
Exhalaient la senteur peau de pêche et velours,
D’imprévisibles attraits, enjuponnant la Marjolaine.
Quarante années durant au fronton du talent
Fleurit à son pourpoint des gerbes de chansons
Brodées potron-minet tel un point d’Alençon
Dans la simplicité d’un cœur chauffé à blanc.
Sa trace, ses idées, hors des foires à l’encan
Se singularisaient, loin des mordus de l’unisson.
Au nom d’une foison de levers de rideaux
En couplant sa musique à Pierrot la Famine
En un sobre duo qu’un sunlight illumine
Forgeron d’amitié dont il fit son credo
Sans le moindre serment au code bushido
Il a cru en l’honneur dont le mot prédomine.
Puis brocardant la mort et les panseurs de l’âme
Il mit en porte à faux le couperet faucheur
Qui dépourvu d’humour aiguisait sa rancœur.
Esquissant le dessein d’un vil retour de lame
Il boutait hardiment, au fil d’une épigramme
Les assauts insistants du nocher maraudeur.
L’automne ornait de bleu les franges du soleil
Tombé au chant d’honneur pour Ninon de l’Enclos
Georges a quitté nos rives à bord d’un pédalo
Sous le regard perdu d’un ciel en trompe l’œil
La méditerranée entrouvrit le recueil
D’une œuvre inachevée de musique à vau-l’eau
Jésus ! Si tu m’entends du haut de ton cénacle
Saches qu’un jour d’Octobre en enlevant sa vie
Je ne suis pas très sur d’avoir trop bien suivi !
Si tu as égaré ton goût pour les miracles
J’ai quant à moi tourné le dos aux tabernacles.
Le doute est un soldat aux mœurs trop asservies.
Jean Louis BESSIERE.
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