CHANSON POUR LE SETOIS

Puisque, voici quelques automnes,
Pour oncle Archibald tu te pris,
Il conviendrait que l'on entonne
Un requiem et qu'à tout prix
Dans leurs chaumines en émoi
Toutes les Margotons larmoient.

Mais à la camarde cruelle
Qui à son tableau t'épingla
Ne faisons pas la part trop belle :
A chaque mort suffit son glas ;
On te devine bien assez
Triste déjà d'avoir passé.

Que ne songes-tu à Fernande
Pour conjurer ton amertume !
Il nous plairait que tu prétendes
A quelque volupté posthume
Et que, fidèle à ta façon,
Tu nous en trousses une chanson.

Est-ce qu'au pays des séraphins
Tu ne pourrais en notre nom
Essayer de savoir enfin
Si Dieu existe, oui ou non ?
Avec toi, nous aurions au moins
De Jehovah un vrai témoin.

Peut-être, charmante hérésie,
Cédant à ton péché bénin,
Nous confirmerais-tu ainsi
Que l'Eternel est féminin
Et qu'il suffit pour croire en Lui
D'un petit coin de parapluie.

Si d'aventure tu aperçois
Parmi les morts du temps passé
Le fantôme de Maître François,
Tu seras bien près de penser
Que, ton dernier souffle rendu,
Au change tu n'as pas perdu.



Car ici-bas tu fus contraint
De n'avoir, et c'est regrettable,
Que des amis contemporains,
Le cours des âges est intraitable,
A cet égard l'Eternité
Offre d'autres facilités.

Non qu'il soit dans notre intention
De ne pas tenir en estime
Tous ceux de ta génération
Qui furent tes proches, tes intimes,
Eux-mêmes le cèdent, consentants,
Au chantre des neiges d'antan.

Malgré cinq siècles de retard,
Tu lui emboîteras le pas,
En éclusant force nectar
Vous mènerez joyeux trépas :
Jamais, de mémoire d'immortel,
On n'aura rien connu de tel.

Et si le guet, même outre-tombe,
Vous empêche de nocer en rond,
On verra de ton Hécatombe
Les commères qui rappliqueront
Avec leurs airs de matadors,
Criant haro sur le pandore.

Quand tous les Nimbus de la terre
Déclarent d'un ton convaincu
Que les morts ne savent que se taire
Depuis que le grand Pan n'est plus,
Montre-leur qu'il te reste encore
Dans ta guitare plus d'un accord.

Qu'importe que le Père soit aux cieux
Puisqu'aussi bien tu en es un autre,
Et bougrement plus astucieux
Que ce mangeur de patenôtres
Qui sut créer tant de butors
Mais certes pas tonton Nestor.


Eu égard à notre affliction,
Tu aurais pu assurément
Nous faire le coup de l'Ascension
un peu moins prématurément
Mais sans doute, nous le supposons,
Avais-tu de bonnes raisons.

Pierre THEVENIN

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