CHANSON PEU ACADEMIQUE

Un vieux poèt' rongé de vers,
Officiel et atrabilaire,
Hurlait du fond de son bocal :
" La chanson, un art ? Quel scandale !

Une honte, une forfaiture,
La lie de la littérature,
Et la pire des hérésies
Quand on la tient pour poésie !

C'est fait pour les décérébrés,
Tout le peuple des illettrés ! "
Brassens rigolait : " Je m'en fous.
Je ne réponds pas aux jaloux. "


Un beau philosophe en goguette,
Tout heureux de sa chemisette
Béant sur des pensées profondes,
Se mirait dans les grandes ondes.

D'un même élan, secouait ses tifs
Et ses avis définitifs
Sur le monde et tous ses dangers
Disait : " Faut pas tout mélanger !

Les torchons avec les serviettes,
Les idées et les chansonnettes ! "
Brassens répondit : " Je m'en moque
Des jolis penseurs à breloques. "


Un vague ministre infâmant,
Plus mouton que chien d'allemand,
Parlait de grandeur à l'envie
Et devant son maître ravi

Se roulait dans le caniveau
En traitant les Français de veaux,
De ramollis de la cervelle,
Etourdis par les ritournelles,

S'étranglait qu'un chanteur, encore,
Condamne la peine de mort.
Brassens fit : " Que rien ne se perde.
Dit's à ce con que je l'emmerde ! "


La France est un joli pays :
Quand on voit son Académie,
On est fier, on n'est pas déçu.
On peut même s'asseoir dessus !

Moi qui suis né il y'a des lunes
Dans une maison sans fortune,
La radio disait tout' l'histoire,
Trois bouquins calaient les armoires,

J'ai tout appris dans les chansons
De ce foutu fils de maçon
Qui tenait pas l'intelligence
Des autres pour perdue d'avance.

Sur la route aux quatre refrains,
En buissonnant je fais mon train,
Chanson au cœur comme un toupet,
Tandis que Brassens dort en paix.

Paroles et musique : Michel BOUTET

CD " La ballade de Jean-Guy Douceur "
© Editions de l'Aviateur, juin 2009.

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